Felix

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COLTAN

Le coltan, le "minerai de sang" du Congo

Des ONG affirment que la guerre civile en République
démocratique du Congo est en partie financée grâce au trafic du coltan, un minerai qui entre dans la fabrication des téléphones portables.

Alors que les combats ont repris depuis le 25 octobre entre les troupes de Laurent Nkunda, ancien membre du Front patriotique rwandais (tutsi), et l'armée régulière congolaise, nos Observateurs s'interrogent sur les responsabilités des fabricants de téléphones portables dans ce conflit. Selon Carina Tertsakian, de Global Witness, et Colette Braeckman, spécialiste de l'Afrique, il est temps d'enquêter sur le trafic du coltan et d'autres minerais exploités dans des conditions déplorables dans l'est du pays et qui participerait, avec l'or et la cassitérite (composant de l'étain), au financement des belligérants. Après les diamants de sang du Libéria, voici donc les minerais de sang du Congo.

 

"L'argent sert à acheter des armes, (...) mais aussi à payer des villas"

Colette Braeckman est une journaliste, spécialisée sur l'Afrique, du quotidien belge Le Soir.

A Kivu, une vingtaine d'avions chargés de minerais décollent chaque jour pour le Rwanda. On peut y croiser des enfants qui
travaillaient dans les mines et qui se sont échappés. Ils vous racontent comment ils se sont fait kidnapper sur le chemin de l'école. Tout le monde le sait, mais personne ne fait rien, même les Nations unies.

Ce trafic ne va pas s'arrêter de sitôt. L'armée congolaise n'est pas efficace - c'est un héritage de Mobutu - et les généraux bénéficient aussi de ce business. Ils disent aller à Kivu pour faire la guerre,
mais ils y vont aussi pour s'enrichir. Chaque faction, l'armée congolaise, les milices tutsies, etc, tous profitent de cette situation et n'ont pas intérêt à la changer.

Difficile de dire combien ce trafic rapporte aux généraux et aux rebelles. L'argent sert en tout cas à acheter des armes, à financer les deux camps, mais aussi à payer des villas et des produits de luxe.

Il faudrait que l'armée congolaise contrôle ce commerce et taxe les minerais à la frontière, ou alors que les pays étrangers mettent en
place un embargo sur ces produits. Pour l'instant, le trafic prospère grâce à l'intervention du Rwanda, qui ferme les yeux sur les méthodes de recrutement de  Laurent Nkunda et qui lui fournit
même des recrues. Ce dernier bénéficie d'ailleurs également de soutiens aux Etats-Unis."

 

"[Les entreprises] ne posent jamais de question"

Carina Tertsakian travaille pour l'ONG Global Witness, qui
enquête sur les trafics liés aux ressources naturelles. Elle est spécialiste de la République démocratique du Congo.

Les entreprises qui fabriquent des téléphones portables
sont protégées par les nombreux intermédiaires qui trempent dans ce trafic. Des dizaines de milliers de creuseurs travaillent dans les mines de coltan, de cassitérite et d'or. Certaines mines sont contrôlées par les rebelles, d'autres
par l'armée. Il y a aussi des civils qui commencent à creuser pour leur compte, mais qui sont ensuite repérés par l'une des factions. Dans les zones tenues par les rebelles ou l'armée, le travail forcé est monnaie courante, et des enfants en sont victimes.

Les minerais sont ensuite achetés par des hommes d'affaires congolais et vendus à des "comptoirs" de villes frontalières. Ils quittent le pays sous forme brute et ne sont  traités qu'ensuite dans des pays étrangers, en Malaisie par exemple. Une fois retravaillé, le coltan est acheté par les constructeurs de téléphone portable, d'ordinateurs et d'autres produits. Je ne peux pas dire que ces entreprises achètent directement ce minerai aux rebelles,
mais je sais qu'elles ne se préoccupent pas de l'origine de la marchandise.
Elles ne posent jamais de question.

En ce moment, nous dépouillons les statistiques pour identifier les entreprises qui se fournissent en République démocratique du
Congo. Mais il est difficile de remonter la chaîne de production. C'est pourtant ce que devraient faire les acheteurs de ces minerais. L'OCDE a d'ailleurs émis des directives en ce sens (Organisation de coopération et de développement économique), mais les entreprises ne sont pas forcées de les respecter."

 



31/08/2012
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